Le jour où je l’ai perdu, le ciel était noir depuis déjà deux heures. Le vent soufflait dans les branches nues et soulevait les cheveux des passantes.
Le mois de novembre battait son plein et nous promettait déjà un décembre glacial.
Je marchais doucement, profitant du calme de la rue et de la vue que m’offrait la Seine ondulant au pied de Notre-Dame. Armée de mon appareil photo, j’immortalisais les moments importants : La petite bouquiniste rousse tendant une photo soigneusement emballée de la Tour Eiffel de nuit ; un pigeon sur le muret; deux amoureux assis en contrebas, leurs pieds à quelques mètre des flots.
Et je songeais qu’il me plairait de vieillir ici, à Paris, de vendre des cartes postales, des vieux livres et des photos sur le quai de Montebello et de faire face à Notre-Dame, tout au long de la semaine, pour enfin venir m’asseoir le dimanche, en compagnie de mon petit vieux à moi, pour la contempler. Le jour où je l’ai perdu, donc, je rêvais paresseusement à un futur lointain, tout en songeant au millier de tâches qu’il me faudrait accomplir en rentrant chez moi. C’est donc à regret, que j’ai laissé, au-dessus de moi le quai de Montebello en m’enfonçant dans la bouche de son RER.
Une petite quinzaine de minutes plus tard, je poussais enfin la porte de mon 20 mètres carrés, en plein centre des Halles, essoufflée par l’ascension périlleuse des quatre étages qui me séparaient de mon palier. Je compris en ouvrant le réfrigérateur, que mes jours étaient comptés si je ne me décidais pas à faire quelques courses. Mourante de faim, je ne me nourris ce soir là que d’un yaourt dont la date de péremption était outrageusement dépassée… Le jour où je l’ai perdu, je n’avais dans l’estomac qu’un vieux yaourt au citron périmé…